Le chèque Multi-services, quelques miettes pour les pauvres.

http://www.yvelines-en-luttes.info/spip.php?article221
2009-03-05

Demander de l'argent pour faire face à des impayés réserve parfois quelques surprises.

Ainsi, une personne habitant dans le 78 a reçu, suite à sa demande d'aide au Conseil Général des Yvelines, un carnet de Chèques Multi-Services d'un montant total de 160 euros.

On pourrait se dire que ce geste est louable, qu'il est la marque d'une bonne intention et de l'intérêt du conseil Général pour les personnes en difficultés. Mais il est intéressant de « creuser » un peu, car comme les mots, les gestes n'ont pas forcement le sens que l'on leur attribue spontanément.

Ses dernières années le mot « chèque » s'est retrouvé associé à une palette de « services », notamment les Services à la Personne (CESU).

Vaste programme de l'Etat visant à développer les boulots précaires, les Chèques servent aux particuliers et certaines structures (par exemple associatives) à payer les travaux que ceux-ci font faire à des travailleurs/travailleuses (Jardinage, ménages, garde d'enfant...) et à ne pas payer de cotisations patronales. Chaque particulier devient une petit employeur, un petit patron.

Le mot chèque est donc de plus en plus associé à une forme de rémunération minimaliste ou comme annoncé ci-dessus à un moyen de donner la charité.

Donc en demandant de l'aide financière, on se retrouve ici avec un carnet de chèques, véritables « bons alimentaires ». Et cela, sans en avoir demandé. Ces chèques sont gérés par la société Sodexo, ainsi votre nom et vos coordonnées sont divulgués à une entreprise privée : les fichiers circulent.

Avec ses chèques vous devez effectuer vos achats (principalement de nourriture), ce qui veut dire se pointer à la caisse d'un Carrefour ou autre hypermarché et payer avec les chèques Multi-services : la caissière se trouve alors informée que vous êtes en situation financière difficile. Au mieux elle aura un regard compatissant (du style : « je vous plains »), au pire un regard dédaigneux : ah les pauvres qui sont assistés !

En général lorsque l'on est en difficulté, dans la précarité ou la pauvreté (quoique je ne connais pas la différence entre les 2 mots *) on n'a pas envie d'aller demander de l'aide, on aimerait s'en passer et avoir les moyens de vivre dignement et de subvenir à tous ses besoins.

Cependant la société telle qu'elle est organisée produit des pauvres et en tire profit. Le pauvre est un bon placement (sans jeux de mots) : il permet au pouvoir de stigmatiser une partie de la population (les pauvres ne veulent pas s'en sortir !), de créer ainsi une séparation avec le reste de la population. A travers le pauvre, on créé la peur et le rejet de l'autre, des autres.

A peu de frais le pouvoir contrôle les « pauvres », il annonce partout qu'il veut les réinsérer (il faudrait m'expliquer comment on est « désinsérer » d'une société), il se construit une bonne image et il communique là-dessus (il édite des revues, commande des études aux universitaires...) et passe pour « bon ». Ce principe est depuis longtemps celui des cathos et de leur morale (Donner aux pauvres à la sortie des églises, leur distribuer les miettes et compatir à leur douleur afin d'avoir droit au paradis) et a été aussi repris et exploité par la Gauche depuis longtemps... !

Le pouvoir met en place toute une kyrielle de structures : ses propres services (comme ceux du Conseil Général dans l'exemple ci-dessus), des associations de réinsertion, de formation et des entreprises privées (Sodexo dans l'exemple de ce texte). Toute ces structures vivent donc de la pauvreté et non pas trop intérêt à ce qu'elle disparaisse : elles œuvrent pour la paix sociale et cogèrent le système. Elles évitent que tout cela explose... !

Toute l'énergie (le temps, l'argent, l'ingéniosité...) dépensée par ce système de gestion de la misère ,sans compter l'énergie dépensée par les personnes en situation sociale difficile pour survivre, pourrait être évitée, placée ailleurs et utilisée autrement. Moralement et du point de vue de la justice sociale c'est une nécessité et une obligation.

Il est nécessaire de s'organiser autrement et de poser la question du pouvoir : qui décide pour nous ?

* Vous remarquerez que le mot pauvreté à totalement disparu dans le langage politique et Etatique : les services sociaux et autres structures d'insertion ne parlent que de «  précarité », cela fait plus politiquement correct et leur permet de dissimuler la réalité, on nomme cela la novlangue !

Pour infos :

Qui a droit au Chèque d'Accompagnement Personnalisé ? Toute personne rencontrant des difficultés sociales peut bénéficier de chèques d'accompagnement personnalisé pour acquérir des biens ou des services dans les catégories définies par la collectivité ou l'établissement public :

Dans le cadre des actions sociales qui concernent notamment l'hygiène, l'habillement et les transports, des actions éducatives, culturelles, sportives ou de loisirs qu'ils mènent, à l'exclusion de l'aide sociale légale, les collectivités territoriales, associations, établissements publics de coopération intercommunale, centres communaux et intercommunaux d'action sociale et caisses des écoles peuvent remettre aux personnes qui rencontrent des difficultés sociales des titres dénommés « chèques d'accompagnement personnalisé ». Article L.1611-6

Comment s'utilise le Chèque d'Accompagnement Personnalisé ?

« Les chèques sont présentés par les bénéficiaires aux prestataires qui ne peuvent les accepter en paiement qu'aux conditions fixées pour leur utilisation par les organismes distributeurs, en particulier au regard de la nature des biens, produits ou services qui peuvent être acquis. »

Les personnes à qui des chèques d'accompagnement personnalisé sont remis peuvent donc acquérir des biens, produits ou services, pour un montant déterminé, conformément aux mentions figurant sur le chèque, et ce, auprès d'un réseau de prestataires affiliés.