Vendredi 20 décembre, une quinzaine de militants d'AC ! de Limoges, Guéret et Montluçon se sont retrouvés à l'ANPE de Guéret (23), avec Angélique, une jeune précaire, victime des pratiques de cette agence.
L'objectif de cette action était d'une part de dénoncer les pratiques de cette agence locale, dans l'utilisation qu'elle fait d'un dispositif existant, l'EMTPE (Evaluation en Milieu de Travail Préalable à l'Embauche) et dont sont victimes certains de ses usagers et, d'autre part, de lui faire reconnaître le préjudice pécuniaire très concret que cette pratique a provoqué à l'encontre d'Angélique, usagère de cette agence et de l' indemniser au niveau des frais qu'elle a dû engager : transports, nourriture, garde d'enfant.
La directrice étant absente, aucun autre employé ne voulait prendre la
responsabilité de discuter de ce cas. Par contre une conseillère a brandi la
menace d'appeler les flics. Finalement, ce sont deux inspecteurs des
Renseignements généraux, diligentés sur les lieux qui ont joué le rôle de
médiateurs ( !) entre la directrice par intérim et Angélique et les
militants qui la soutenaient.
Devant l'impasse, du fait de refus de discuter, ceux-ci se sont rendus à la
Direction départementale du travail. Là, le directeur a reçu tout le monde
et il a suggéré deux pistes possibles : soit qu'Angélique bénéficie
rétroactivement du statut de stagiaire de la formation professionnelle (ce
qui ne va pas chercher bien loin au niveau du fric), soit qu'elle attaque l'
ANPE au tribunal d'instance afin d'obtenir un dédommagement, soit qu'elle
attaque l'entreprise aux prud'hommes afin de se faire régler ses cinq jours
de travail.
Ensuite, tout le monde est revenu à l'ANPE. Changement de ton. Changement de
discours. Visiblement l'ANPE de Guéret se sent un peu merdeuse sur ce sujet.
Les agents présents reconnaissent alors qu'il y a eu des erreurs sur le
dossier mais ils en rejettent la responsabilité, en partie sur l'entreprise.
Rendez-vous est alors pris pour le lundi suivant avec la directrice de l'
agence et Angélique, accompagnée par deux militants d'AC ! CUM.
Cet entretien, finalement, ne débouchera sur rien de concret, tant la
directrice de l'agence de Guéret s'enferme dans sa position de pourvoyeuse
de main d'oeuvre à bon marché. Finalement, Angélique envisage d'attaquer l'
ANPE au civil afin d'obtenir des dommages et intérêts et l'entreprise aux
Prud'hommes.
Rappel des faits antérieurs à l'action du 20 décembre. Témoignage d'
Angélique :
« Le 9 octobre 2002 vers 16h30, l'ANPE de Guéret me téléphone et laisse un
message sur le répondeur en me demandant de me présenter à Pognon Genève
Puériculture le 10 octobre 2002 à 8h00, suite à l'appel que j'ai effectué 3
semaines auparavant à Pognon Genève pour proposer ma candidature (ils
cherchaient 2 mécaniciens en confection). Sur cet évènement je rappelle l'
ANPE pour en savoir un peu plus. Ils me confirment l'essai de 5 jours ; je
téléphone également à Pognon Genève et effectivement ils m'attendent pour le
lendemain matin. Comme je l'ai dis à l'ANPE, je prend contact avec une
nourrice pour la garde de ma fille de 11 mois. Je me présente donc à Pognon
Genève le jeudi 10 octobre à 8h00. J'effectue ma journée de travail
normalement, une responsable vient voir mon travail de temps en temps. Le
lendemain, vendredi matin vers 11h00, la chef, Mme Nina vient me faire
signer une grande feuille. Je lui demande ce que c'est, elle me répond que c
'est un papier pour l'ANPE. J'étais un peu stressé par la cadence à suivre,
donc je signe et continue mon travaille. Les trois jours suivant se passent
normalement. En parlant avec une collègue, je lui demande s'il y a souvent
des gens qui viennent en essai et elle me répond positivement. Le dernier
jour (mercredi 15/10) toujours pas de nouvelles pour mon embauche, je ne
sais pas si je conviens ou pas, personne ne me fait de compte-rendu sur mon
travail. J'ai un BEP de couture " sur mesure ", je ne suis donc pas habituée
à coudre des draps ... à toute allure. On me dit quand même, quand je
demande, que la vitesse ne vient pas comme ça... qu'il faut de la pratique
pour atteindre une certaine allure ? je suis rassurée, mais en me rendant
dans le bureau de Mme Nina pour lui demander ce qu'il en est, elle me dit
que je ne suis pas assez rapide, qu'ils ne peuvent pas se permettre de m'
embaucher et que pour tous le reste je me débrouille avec l'ANPE. Bon. OK.
Le lendemain je téléphone à l'ANPE à propos du salaire qui m'est dû pour mes
5 jours de travail et on m'apprend que les jours effectués ne seront pas
rémunérés que tout cela est normal et s'appelle un essai en milieu de
travail préalable à l'embauche et que le seul revenu que je pourrai recevoir
sera la somme de 20 euros d'indemnités kilométrique. Excédée je téléphone à
Pognon Genève qui me dit pas mieux que l'ANPE et qui est étonnée que l'ANPE
ne m'ait rien dit à ce sujet, et que ce n'est pas la première fois que
quelqu'un est étonné de ça. Je rappelle l'ANPE. Celle-ci ne me dit rien de
mieux
pour elle il y a eu quiproquo. En me renseignant à FO, le secrétaire général
me dit que si je veux les attaquer en justice il faut que j'aille au pénal
et qu'il faut pas mal de moyens. De mon côté je me dis que c'est ma parole
contre la leur et que je n'ai pas d'argent pour entamer une telle procédure.
Je laisse donc tomber et me résigne. »
Qu'est-ce qu'une évaluation en milieu de travail préalable à l'embauche (EMTPE) ?
Il s'agit en fait d'une période d'essai déguisée. Tout y ressemble, à une
différence notable, c'est que le travail effectué n'est pas payé. En effet,
une convention signée entre l'ANPE, l'entreprise et le chômeur stipule que
le service est « gratuit ». Cette évaluation peut durer de un à cinq jours
dans une entreprise qui a déposé une offre d'emploi à l'ANPE. Le chômeur «
en évaluation » est censé, alors, être suivi par un tuteur et doit recevoir
à la fin de cette période un compte-rendu écrit.
Des conseillers de l'ANPE peuvent présenter parfois ce dispositif comme une
embellie pour trouver du boulot (un militant d'AC ! Limoges en a été témoin
lors d'un stage de remotivation de chômeur). Pour eux, c'est complémentaire
du CV. Là, le chômeur a l'occasion de monter à un patron ce dont il est
capable. Ca ne coûte rien à l'entreprise. De son point de vue, elle aurait
tort de s'en priver.
Dans le cas présent, pour un CDD d'un mois, l'entreprise dispose d'une
période d'essai de cinq jours, non payée à la personne pressentie pour
occuper le poste.
Angélique n'a pas reçu son compte-rendu d'évaluation. L'ANPE prétend le lui
avoir envoyé. Elle prétend également ne pas en avoir de copie, alors que la
convention stipule qu'elle doit en avoir une.
De même l'ANPE a trompé Angélique puisque l'annonce d'offre d'emploi ne
stipulait pas que celui-ci était conditionné par une EMTPE. Elle s'est
rendue à ce travail en pensant qu'elle était prise à l'essai. Ce n'est qu'au
moment de partir qu'elle s'est rendue compte qu'il n'en était rien.
« Pognon Genève »
L'entreprise à qui l'ANPE de Guéret a prêté une chômeuse se nomme Pognon
Genève Puériculture. Elle aurait pu s'appeler Oseille Caïman ou encore
Artiche Luxembourg ou pourquoi pas Thune Monaco mais ça n'est pas le cas.
Nous n'avons pas beaucoup de renseignements à son sujet. Elle est basée à
Guéret. C'est une entreprise de confection qui fabrique des vêtements pour
enfants. Elle est sous-traitante de la grande distribution (Cora,
Carrefour...). Elle compte plus de cinquante salariés. Il n'y a pas de
syndicats. Une ex-collègue d'Angélique lui a dit qu'elle voyait
régulièrement passer des jeunes comme elle. Le personnel de l'ANPE de Guéret
reconnaît que l'agence locale entretient des relations suivies avec cette
entreprise.
Le secteur de la confection, en Creuse, a été très touché, il y a plusieurs
années, avec la fermeture de Vet'Sout, une entreprise qui employait
plusieurs centaines de salariés, à La Souterraine. On peut supposer que dans
ce département, il y a toujours un certain réservoir de main d'oeuvre pour ce
secteur.
C'est dans ce même département qu'a sévi, à Boussac, dans l'entreprise
Maryflo, un cadre dont on avait aperçu les méthodes hallucinantes de
harcèlement des ouvrières, dans un documentaire diffusé à la télé, voici
plusieurs années.
Il serait peut-être instructif d'approfondir la question des relations qu'
entretiennent les professionnels de la mise au travail avec une entreprise
de main d'oeuvre, dans un tel contexte.
En attendant, Angélique est déterminée à poursuivre son combat sur le
terrain judiciaire. Nous serons à ses côtés.
C. (AC ! Limoges)