Interdits de téléphonie.

Misère et nouveau millénaire (2005)
Y'en a marre !

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Seuil de pauvreté

Minimas sociaux

Quel est le seuil financier qui définit la misère économique en France en 2005 ?

La société affirme officiellement qu'une personne ne peut vivre assez décemment qu'en percevant une somme au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
Son montant est d'environ 1000 euros net mensuels.

Les organisations internationales définissent que le seuil de pauvreté se situe sous la moitié du SMIC, soit actuellement sous 500 euros mensuels.
Nous venons d'entendre sur un média public que le seuil de pauvreté en Europe se définit par 60% du revenu médian du pays concerné. Le revenu médian se situe bien au-dessus du SMIC.

Le montant du revenu minimum d'insertion qui frappe un bon million de nos concitoyen(ne)s selon les chiffres officiels qu'on nous distille, s'élèvait à 417 euros par mois, au 31 décembre 2004.
Bien souvent partagé avec des proches qui ne bénéficient d'aucun droit, après radiation par divers organismes. Je ne pense pas qu'il soit faux d'évaluer l'état de l'exclusion et de la précarité en France à un chiffre de 7 ou 8 millions de personnes, au moins, sur les quelques 60 millions que compte la population du pays.
On nous dit officiellement que les bénéficiaires de la CMU (couverture maladie universelle) sont 5 millions. Et nous savons que des exclus ayant droit à la CMU n'en bénéficient pas, car elle n'est pas automatique (une démarche doit être effectuée avec renouvellement annuel non automatique).
Et quand les exclus en bénéficient, nous savons que la qualité des soins s'en ressent, discrètement jusqu'à ce que la confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) déclare que les bénéficiaires de la CMU seraient inscrits sur une liste d'attente...

Autres revenus

Il convient de ne pas perdre de vue que le salaire moyen en France se situe autour de 1800 à 2000 euros nets mensuels. Et qu'il est courant qu'un salarié touche 10 000 à 30 000 euros bruts mensuels. Ne parlons pas des autres...

C'est dire que gérer en équilibre, 417 euros de revenu par mois, dans ce contexte est un numéro de haute voltige. Et que la plupart de nos concitoyens normalement lotis en terme de revenus en sont parfaitement inconscients en terme de réalités concrètes du quotidien à affronter pour survivre et tenter de tenir la tête au-dessus de l'eau.

Réalité de la misère en France

Qui peut savoir ce que veut dire vivre ainsi, sans en avoir, maintenant, de nos jours, la pratique réelle ? On a l'impression que l'imagination et la rationalisation vont bon train...

Faîtes un jeu : définissez un budget mensuel dont le montant total ne dépasse pas 417 euros. Avec chacune de ses catégories, loyer, charges locatives, alimentation, habillement, déplacement, etc. (en ayant bien à l'esprit l'ensemble des charges apparaissant tout au long d'une année) et compte tenu du coût actuel de la vie que vous connaissez bien.
Et décidez, en fonction de votre niveau de vie actuel, dans quoi vous procédez à des coupes claires. Vous serez étonné à quel point il est nécessaire de serrer la ceinture ! Et je crois même que vous ne pouvez pas l'envisager : impensable à appliquer chez vous.
Et pourtant combien de gens, de nos jours, sont passés d'un niveau de vie « normal » à cette terrible situation économique, de force !
Des anciens ont connu ces expériences quand le pays a traversé des périodes difficiles. La différence, c'est que pratiquement tout le monde était concerné par un niveau de vie semblable, alors qu'aujourd'hui la situation est discriminatoire.

Accès à la téléphonie

Venons-en à la téléphonie. C'est un besoin qui n'apparaît plus comme très vital, lorsqu'on s'est livré sérieusement à l'exercice ci-dessus. Pourtant, le coût du maintien d'une ligne téléphonique, même sans consommer de communications reste très élevé. Aux environs de 224 euros par an, soit la moitié d'un pouvoir d'achat mensuel. Simplement pour pouvoir recevoir des appels, sans autre frais, voire en passer à condition d'aligner encore d'autres euros.
Est-il vraiment raisonnable d'ailleurs de garder une ligne téléphonique ? (Est-il raisonnable de garder un véhicule ?). A part l'espoir que ces deux choses puissent contribuer à la sortie de cette ornière.

Pour arranger le tout, le PDG de France Telecom a le culot d'utiliser les médias pour démontrer par des contre-vérités, qu'en augmentant l'abonnement, la facture des citoyens diminuera ! Il fait aussi silence total sur l'évolution des bénéfices de France Telecom.
Le but, bien entendu est de faire avaler la pilule au grand nombre.
Reste l'abonnement des exclus économiques, d'un montant qui reste non négligeable et à propos duquel nous n'avons pas de nouvelles. Augmentera-t-il ? Qualité du service ?

E-mail pour communiquer

Comparé à ce montant, et dans la mesure où un abonnement téléphonique est incontournable, une communication par courrier électronique (e-mail), via internet, reste la seule solution présentant un coût le plus réduit possible parmi la technologie d'aujourd'hui, y compris le courrier postal.

L'utilisation du courriel permet de rédiger sans frais hors connection, tous ses courriels et autant que l'on veut. Il suffit ensuite de quelques secondes de connection téléphonique, (à l'occasion desquelles il est possible, éventuellement, de faire une navigation internet), pour expédier ces communications.
Certes, l'e-mail est payé deux fois : par l'expéditeur et par le destinataire. On peut le voir comme un partage plus égalitaire de la communication. (Et un double bénéfice pour le prestataire...)
Mais l'e-mail peut être lu par le destinataire au moment où celui-ci le décide.
L'e-mail circule très rapidement. Il peut être rédigé très court ou plus approfondi.

Problèmes téléphonie et problèmes e-mail

Incompréhension

Quelques gros obstacles entravent cependant ces solutions. Ils tiennent essentiellement à l'inconscience ou à la mauvaise volonté, selon les cas, de correspondant(e)s qui ne vivent pas, eux, elles, en dessous du seuil de pauvreté. Et qui ne comprennent pas.
Qui ne comprennent pas la problématique quotidienne pour gérer un budget sous le seuil de pauvreté. Qui ne s'en font pas une idée concrète, précise. Ou pire, qui ne comprennent pas, tout simplement, que des gens dans ce pays, soient délibéremment rejettés de tout emploi, donc de tout revenu, en dépit des textes français et européens sur les droits de l'Homme.

Un grand nombre de gens ne recevant plus d'appels téléphoniques de la part des miséreux, se détournent d'eux et rompent peu à peu les relations.

Celles et ceux qui choisissent de les maintenir, et qui peuvent donc passer des appels vers eux (situation déjà très rare) ne se rendent pas compte d'une chose simple : eux, communiquent vocalement quand ils le décident. Ils ont bien sûr l'impression de se montrer compatissants à l'égard de la misère. Et ils le sont sans aucun doute dans une certaine mesure.

Mais il est délicat de la part d'une personne sous le seuil de pauvreté qui reçoit un tel appel de lancer une conversation, d'en prendre l'initiative, dans la mesure où c'est le correspondant qui paie.
Peu à peu, l'appel et la conversation sont plutôt centrés sur les attentes, les besoins et les intérêts de l'appelant.

Dépendance

Le miséreux des pays riches est donc placé dans la dépendance et ne peut jamais prendre l'initiative d'une conversation téléphonique, au moment où il le désire ou le décide. Puisque ce serait mettre en danger ses autres besoins vitaux par une facturation supplémentaire sur son propre budget. La communication vocale par téléphone devient donc unilatérale et déséquilibrée.

Courriel désapprécié

Il resterait la solution du courrier électronique. Car les correspondants qui accèdent à la téléphonie sont, à l'heure actuelle, systématiquement équipé d'un ordinateur et doté d'un accès internet.

Le malheur, c'est que cet outil est sous-utilisé. Internet considéré le plus souvent comme un loisir superflu et très secondaire, pour ceux dont le niveau de vie ne pose pas spécialement de problèmes.

Des miséreux ont compris, par la force des choses, que la communication internet est un rare moyen de conserver des liens sociaux minimaux et un brin de communication encore possible. Pour eux, le Web est hautement utilitaire, dans un rapport qualité-prix attractif.

Malheureusement, pour ces raisons, il s'avère que la communication internet ne fonctionne pas. Le miséreux qui peut prendre librement l'initiative de communiquer par internet, ne reçoit généralement pas de réponse en temps réel, malgré la puissance de ces technologies, ou pas de réponse du tout. Car la messagerie est considérée comme très secondaire, comme très accessoire ou pire sans intérêt par les correspondants disposant librement de la téléphonie. La seule technique (messagerie électronique) qui permettrait une communication bi-latérale et équilibrée est tenue pour négligeable ou nulle par ceux qui accèdent à la téléphonie. Toutes les justifications les plus hypocrites pendant des années sont bonnes pour mettre en pratique ce délaissement de la messagerie électronique au fil des relations avec les survivants économiques.

Accroissement de la dé-socialisation

Le gros problème de la dé-socialisation mise en oeuvre par l'exclusion économique se voit accentuée par ce type de comportement, d'année en année, sans que pointe le moindre espoir d'un retournement positif de la situation.

Certaines personnes ont critiqué la communication internet en déclarant qu'elle contribue au repli des gens sur eux-mêmes, ou à la disparition des relations de visu, à la suppression des rencontres. C'est le contraire que je constate dans le sous-monde de l'exclusion. Alors que ces personnes ont rompu de fait toutes relations directes, car l'exclu n'a pas le répondant financier pour pouvoir faire la réciprocité des invitations, ou sorties communes. Et ces détracteurs de l'Internet, justement, n'utilisent même pas ce dernier fil conducteur qui permet à quelques exclus de garder encore un minimum de liens avec ce que l'on appelle l'humanité.

Ces miséreux ne peuvent pas envisager facilement des déplacements, et la communication internet reste le seul et dernier recours pour tenter de maintenir des liens, malgré les obstacles économiques.

On assiste à un écroulement de la socialité et de la convivialité sous une dictature discrète mais ferme des lois de l'argent, avec son corrollaire, l'accroissement de l'injustice sociale. C'est le calvaire que vivent les exclus quotidiennement. C'est peut-être aussi une route vers la perte du niveau de vie et du calme social, tôt ou tard, que signent celles et ceux qui, aujourd'hui, préfèrent vivre leur vie et fermer les yeux, sans rien faire collectivement contre ces insupportables réalités, à part voter citoyennement à chaque échéance électorale, et se foutre des problèmes sociaux le reste du temps : que les élus se dépatouillent avec. Le boomerang des lois naturelles pourraient bien revenir à la tête des insouciants, citoyens ou politiques, au moment où ils s'y attendent le moins. Ou à celle de leurs enfants, dans un avenir à moyen terme..

Le vrai problème de fond, c'est pourquoi refuse-t-on de fait (par delà les beaux discours) à chaque membre de la société de fournir ses savoirs-faire, ses compétences établies quelqu'ils soient, en échange d'un revenu décent permettant la satisfaction de ses besoins ?

ZorK
Janvier 2005.

« Y'a des gens, quand tu leur envoies un email, c'est pire que pisser dans un violon !
Parce qu'en pissant dans un violon, t'as au moins une réaction visible ! »

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