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Survivant

le 12 novembre 2001

à l'Ordre des Avocats

Référence : votre lettre du 5 novembre 2001
Copie pour info :
- Maître -----------
- Monsieur le Président du Tribunal de Police
Lettre ouverte

Monsieur le Bâtonnier,

Maître ------------, par son courrier du 09/11/2001 et suite à ma sollicitation pour être assisté, en échange d'un arrangement, m'écrit :

<< ... Cependant, je vous informe que je ne suis malheureusement pas disponible à cette date, étant retenue à la Cour d'Appel.

A cet égard, je vous réitère ce que je vous avais indiqué précédemment, et vous invite à prendre contact avec l'ordre des avocats dans les plus brefs délais, afin que le nom d'un confrère vous soit désigné. >>

Mon but en prenant contact avec vous et votre institution est de communiquer avec les avocats du barreau de Dax sur le problème du droit de la défense auquel je suis confronté et auquel peuvent l'être d'autres justiciables.

Il ne s'agit pas, pour moi, de tenter de faire imposer l'intervention d'un avocat pour m'assiter, alors qu'il n'aurait pas délibéremment accepté de le faire.
Car j'accorde ma confiance dans l'action d'une personne seulement dans le cas où cette personne agit de son plein gré. Autrement dit, lorsqu'elle agit en dehors de toute coercition ou soumission.

J'ai bien compris que le législateur a voulu que le justiciable que je suis, soit livré à lui-même pour sa défense. Et a voulu que je reste sans défense, puisque les sinistrés du système économique (également voulu par le législateur) et auquels j'appartiens, à mon corps défendant, se trouvent dans l'impossibilité matérielle d'exécuter l'effort financier dont vous parlez, sans se mettre en danger social ou physique.

Raison pour laquelle, j'ai proposé à mes interlocuteurs potentiels, une forme de contre-partie, car je n'entends pas obtenir le bénéfice d'une action, sans fournir une valeur strictement équivalente.

La rigueur des mathématiques s'impose à la rhétorique. Une bonne dizaine de milliers de personnes tentent, chaque mois, dans les Landes, (et des millions dans tout le pays) de placer les chiffres manquants dans le tableau qui suit.

Le jeu consiste à ce que la somme corresponde au nombre formant le total. Problème qui se répète aux sinistrés de l'emploi, à chaque mensualité, en espérant qu'aucun accident financier ne survienne, risquant de détruire cette recherche d'équilibre quasi impossible. Une règle du jeu est incontournable : le déficit est interdit, contrairement aux techniques de gestion des collectivités publiques de ce pays.

(La dépense de loyer et la recette d'allocation logement n'apparaissent pas puisque ces deux opérations s'équilibrent).

Par mois :

alimentation						....
eau							....
électricité						....
chauffage						....
gaz							....
habillement						....
frais postaux					....
téléphone						....
déplacements						....
assurances obligatoires				....
frais bancaires					....
autres frais pour démarches d'insertion	....
dont 19.6% (ou 5.5%) d'impôts indirect		....
-----------------------------------------	-----
TOTAL							2295 francs

Sur quel poste suggérez-vous que je fasse un effort financier ? Et de quel montant ? Certain que vous vous montrerez réaliste sur les prix en vigueur, j'ai hâte de prendre connaissance des chiffres que vous allez me proposer. J'en conviens, il vous sera plus aisé de faire silence sur la gestion de ce budget.

Je souhaite que vous preniez en compte que le montant de dépenses relatif au fait qu'un agent a posé un papier sur mon pare-brise, s'élève (à la date du 04/11/2001) à 589,10 F.

Avant même que la Justice ait fait son travail, la sanction concernant un stationnement sans signalisation est déjà tombée. J'ai déjà été contraint d'appliquer des restrictions sur mon budget. Avant même que l'acte de l'agent soit soumis à l'avis de la Justice, cet acte créé une sanction. L'acte verbalisateur de l'agent se trouve d'avance arbitraire, puisqu'incontestable. Le piège institutionnel est refermé. C'est une porte ouverte à tous les abus, à l'égard de la masse des démunis.

Ce qui signifie aussi que des citoyens plongés dans une situation identique à la mienne, ne disposent plus du droit de la défense face à la raison d'Etat, (ou celle de l'agent local).

Vous savez aussi que le législateur veut que, si je gagne 120 F, par exemple, en chèque emploi service (précarité), les 120 F seront retenus des 2295 F. Ce, jusqu'à un gain mensuel de 2295 F.

C'est seulement au-delà d'un gain de 2295 Fr, qu'une amélioration de la situation économique serait envisageable. Solution réalisable seulement si le marché du travail offre autre chose que des emplois et rémunérations en situation précaire, dont les employeurs privés ou publics sont très friands. Il y a des paramètres qui ne dépendent pas que de moi-même.

C'est aussi le législateur qui a voulu que l'activité socialement utile que j'ai exercé pendant 20 ans, aboutissent à un financement insuffisant et à la perte de mon emploi, à l'approche de mes 50 ans.

Que je sois, comme beaucoup d'autres, confronté au fait que les employeurs reculent devant le financement d'un Contrat à Durée Indéterminée (CDI) avec reprise de l'ancienneté, alors qu'ils ont l'opportunité de réduire leurs charges salariales grâce à des emplois subventionnés, à des CDD, à des embauches en situation saisonnière ou précaire. (Employeurs privés et employeurs publics y compris).

Il est donc choquant qu'une simple amende de police (discutable et que je souhaite voir discuter) puisse conduire, à l'impossibilité d'être défendu comme tout citoyen, ainsi qu'au blocage de mes modestes démarches d'insertion, le temps de son réglement, eu égard aux restrictions de pouvoir d'achat.

Je souhaite aussi vous témoigner que depuis 2 dizaines d'années, j'ai passé au moins un week-end par mois à apporter à d'autres êtres humains mon temps, mon énergie et quelques savoir-faire. Sans rémunération, alors que par ailleurs, je gagnais, à ce moment-là, modéremment ma vie. Je témoigne donc, de ce que ces actes constituent un enrichissement personnel à double sens. N'ayant pas gagné d'argent pour ces actions ponctuelles, j'atteste avoir obtenu, en contre-partie, des satisfactions, en matière de développement de la personne, qu'aucune valeur monétaire ne pourrait acheter.

J'espère ne pas vous avoir trop importuné avec ces considérations. Je constate que, finalement, elles intéressent généralement, bien peu de personnes, en pratique, dans ce département, comme dans ce pays. En dehors peut-être de quelques actions de solidarité bien ciblées et bien médiatisée, qui permettent, à certains, de retirer une certaine notoriété utilisable. Mais qui dispensent de s'attaquer aux causes profondes du problème, qui concerne pourtant un grand nombre de citoyens. Au point de mettre, de plus en plus en danger la démocratie et la citoyenneté.

Lorsque, dans un pays, des dizaines de millions de personnes sont prises dans les pièges de la misère, à mon avis, c'est le pays tout entier qui est le dos au mur, surtout si l'on continue à faire l'autruche, et à bafouer indirectement l'élémentaire exercice de la citoyenneté.

survivant au RMI
sinistré de l'emploi

NB: Cette lettre a été rédigée dans une pièce à une température de 10°C. C'est magnifique, car à l'extérieur, la température ne dépassent pas les 0°C....

Et je suis satisfait de constater l'esprit de solidarité qui s'organise autour des sinistrés de l'AZF à Toulouse, avec, entre autre, des avocats volontaires qui prennent la peine d'assister, sur "M' Toulouse" (un service de Radio France sur 94.8 Mhz FM et 945 Khz AM en petites ondes), ceux qui n'ont plus de fenêtres et de portes à leur logement ... (en conséquence d'une simple question de lucrativité industrielle, gérée au mépris de tous les citoyens, dont un grand nombre ont perdu la vie) et qui attendent désespéremment les experts.

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